Sociologie du travail

par 295mem
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Le travail va être le lieu d’observation des inégalités hommes/femmes et du déclassement. On va d’abord réaffirmer la centralité du travail dans les sociétés industrielles avant de passer aux sociétés post-industrielles où le travail est relégué à la marge. Certes le travail n’est plus  au cœur des sociétés, mais il reste toujours un support, un lieu où les questions de société sont débattues.

De la centralité à l’effacement du travail

Le travail comme centralité

C’est autour du travail que les sociétés industrielles se sont structurées. Ainsi vont apparaître la majorité des conflits. Le travail est le moteur des sociétés, il les constitue et les fait avancer. Les individus vont être définis par la place qu’ils occupent dans le système de production. Les individus vont se définir par rapport à des appartenances (ex : classe ouvrière).

Pendant cette période, le travail est au cœur des identités.

La conquête des droits sociaux va être au cœur des débats. L’accès à la sécurité sociale relève d’une lutte sociale. Une fois la question de la démocratie stabilisée, l’enjeu central est la question sociale. On distingue le camp des conservateurs et celui des progressistes.

Un réel modèle de société va se dessiner autour de questions comme le droit de grève. C’est la naissance de l’État providence, mais aussi d’autres modèles de société.
La démocratisation regroupe les supports offerts aux individus pour que ces derniers soient dépendants des offres du marché du travail. Ces supports sont ceux offerts par la protection sociale, les indemnités chômage, maladie… À la fin de la seconde guerre mondiale, les individus ont la possibilité d’avoir accès à un certain nombre de couvertures.

La démarchandisation signifie une sortie de la logique de marché.

La société industrielle est définie principalement par le travail. Les sociétés capitalistes vont se différencier par la possession des moyens de production qui sont censés appartenir à la communauté. Cependant, l’URSS, la Pologne et la France avaient le même mode d’organisation du travail. On parlera de sociétés industrielles ou développées qui s’opposent aux sociétés en voie de développement. Le développement ou le sous-développement est évalué par rapport au travail. Les sociétés post-industrielles sont définies politiquement comme des sociétés démocratiques.

Touraine va construire sa sociologie du travail puis la déconstruire avec les sociétés post-industrielles.
D’après Touraine, le mouvement social place le travail au cœur même de son action. Les conflits du travail portent en germe des types de sociétés ou plutôt des types d’orientations des sociétés. Les conflits sont des mouvements sociaux et orientent la société. Touraine introduit l’historicité : les sociétés ne sont pas définies par le changement (extérieur), mais elles se fabriquent par les mobilisations des acteurs.
L’enjeu n’est pas d’obtenir des droits, mais de tenter de peser sur les orientations de la société. Cela suppose que les acteurs puissent construire une représentation d’eux-mêmes.
La société industrielle est caractérisée par le conflit autour du travail. Touraine parle de « civilisation industrielle » où les conflits du travail donnent la couleur de la société.
Le mouvement ouvrier s’oppose à la classe dominante et possédante. Les classes possédantes vont se disputer le partage du profit et le choix des orientations qui découlent du travail. Le mouvement social se situe au-dessus de ce conflit et le mouvement ouvrier va être une contestation du choix de société fait par les classes possédantes. Autour du travail, des orientations vont se créer. Il ne peut y avoir mouvement social qu’à partir de l’opposition de 2 groupes sur la captation du fruit du travail.

L’essentiel des études durant les années 50 va placer le travail au cœur des interrogations. D’après L’école Capitaliste en France de Baudelot et Establet, les inégalités scolaires sont vues à partir du travail. L’école est un appareil capitaliste d’État, elle participe à la lutte des classes autour de filières courtes et longues. D’un côté l’école fabrique des ouvriers et de l’autre elle fabrique des encadrants. L’école reproduit le système social. La Socialisation n’est la que pour reproduire des rapports de classe au sein des rapports de production.

Un travail qui s’efface

Le mouvement féministe s’impose dès les années 60. La question des femmes est pensée comme subordonnée à celle du travail. La question de la libéralisation des femmes ne se résoudra que lorsque la question de la libéralisation des forces productives sera résolue. Mettre fin au capitalisme c’est mettre fin à toutes les formes de domination existantes. Lorsque les problèmes d’inégalités sont traités hors du travail, on passe de la société industrielle à la société post-industrielle

Dans les sociétés post-industrielles, les questions, les problèmes sociaux vont être traités de manière autonome. À partir des années 70, ces thèmes vont concerner les banlieues, l’identité, l’intimité, le multiculturalisme, l’autorité… À la suite des mouvements de mai 68, on va parler de société post-industrielle, de société programmée ou de seconde modernité.  On note une autonomie croissante entre le social, le culturel et le politique. Les différentes questions sont séparées, les sphères s’autonomisent les une des autres.
Touraine va orienter ces interrogations sur d’autres points. La question de la culture va être au cœur des nouveaux mouvements sociaux (mouvements étudiants, des femmes, anti-nucléaires…). Pour les étudiants, l’enjeu concerne le contrôle de la production des connaissances. Chez les femmes, la question de l’identité et de l’articulation entre sphère publique et privée va être prépondérante. Pour les anti-nucléaires, l’adversaire sera la technocratie.
Aujourd’hui, le travail va avoir tendance à s’éclipser, car la conscience de classe a disparu au profit de la diversité des individus. Par exemple, une partie des ouvriers appartient à la classe moyenne et l’autre à la classe populaire.

Nous sommes passés à un type de société où le travail s’efface. Le travail suit un paradoxe : c’est une donnée centrale pour les individus, un des éléments principaux de nos constructions sociales, mais il n’est plus au cœur des sociétés.

De nouvelles questions animent nos sociétés contemporaines et ne laissent plus le travail être le moteur de la réflexion.

Néanmoins, toutes ces questions traversent le travail. Il y a une autonomisation, mais pas d’indépendance. Le travail va être, aujourd’hui, un laboratoire d’analyse.
Par exemple, l’instauration du CV anonyme montre le lien entre Discrimination et travail.
Aujourd’hui, le travail est toujours un lieu où vont se jouer des questions qui le dépassent.

On peut dire qu’il y a un déclin de travail, car il n’est plus l’enjeu majeur de la transformation des sociétés.

Les inégalités homme/femme

Le lieu majeur des inégalités homme/femme est le travail.
François Dubet différencie 2 approches :

Inégalité des places : écarts (rémunération…) entre les hommes et les femmes, entre les positions.
Inégalité des chances : comme inégalité des chances d’accès

Inégalité de place

L’accès des femmes sur le marché du travail de 1975 à 2007 : L’écart entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes sur le marché du travail continue d’exister bien qu’il y ait une réduction de cet écart.
On observe, en effet, une entrée massive des femmes sur le marché du travail ces 30 dernières années.
En 1975 : il y avait 2 fois plus d’hommes qui travaillaient alors qu’aujourd’hui il n’y a plus que 10 points d’écart.
De 1982 à 2002 : les emplois augmentent de 10 % avec une part destinée aux femmes qui augmente de 24 % pour seulement 2 % pour celle des hommes.

Ce sont principalement, voire exclusivement, les femmes qui occupent un temps partiel : sur 100 emplois partiels, 82 sont occupés par des femmes.
On retrouve le plus de temps partiel du côté de la catégorie des employés. Le temps partiel est un temps largement contraint, car la majorité des salariés aimeraient travailler plus.
Le découpage des Catégories Socio professionnelles va plus ou moins changer la tendance.
On observe une différence notable au niveau de la répartition.
En 2002, elles sont beaucoup plus agent d’entretien, assistante maternelle, secrétaire, vendeuse, infirmière, caissière, ouvrière non qualifiée… On les retrouve beaucoup plus rarement dans d’autres métiers comme cuisinière, informaticienne, militaire…
Pour certains métiers, cela change (exemple : avant le métier d’instituteur était plus masculin alors que maintenant c’est une activité plutôt féminine).

On est passé de sociétés principalement organisées autour de l’industrie à des sociétés tertiaires. Les femmes se concentrent principalement sur les services alors que les hommes plus dans l’industrie. On a donc un découpage sexué.
Plus on monte dans l’échelle des qualifications et moins la part des femmes va être importante.

Il y a concentration lorsqu’un métier regroupe principalement des hommes ou des femmes : activité masculine ou féminine.

On parle de ségrégation quand le poids d’une profession dans la structure des emplois masculin est différent du poids dans la structure des emplois féminins.

Il peut y avoir concentration et non ségrégation.
Les femmes sont globalement plus touchées que les hommes par le chômage.
Globalement, le niveau du diplôme protège du chômage. Cependant, il protège toujours un peu moins les femmes que les hommes.
À emploi comparable, le salaire des femmes reste toujours inférieur à celui des hommes. On a toujours l’idée que le salaire des femmes resterait un salaire d’appoint, supplémentaire alors que celui des hommes permettrait de faire vivre la famille.
Dans les années 70, les femmes gagnaient 34 % du salaire des hommes alors qu’en 2000 elles gagnaient 70 % du salaire des hommes.
Maintenant, les femmes gagneraient 10 % de moins que les hommes.
On le voit sur le salaire, mais également sur les opportunités au sein de l’entreprise.
Les  femmes vont se concentrer dans les secteurs où il n’y a pas de création de valeur, les secteurs non marchands.
Les  diplômes des femmes sont moins orientés du côté technique et elles sont beaucoup moins présentes dans les grandes écoles.
Cela va renvoyer, généralement, à une image anthropologique du masculin et du féminin. Division où on oppose travail productif (homme) et travail reproductif (femme).
C’est le fait qu’un métier soit masculin ou féminin qui lui donne ou pas de la valeur (hiérarchie).
Exemple : le métier d’instituteur a perdu de son prestige lorsqu’il a été féminisé.
Les hommes sont pensés comme ceux qui maitrisent la nature alors que les femmes y seraient soumises (reproduis ce qui existe déjà, pas de création).
Les femmes vont être spontanément orientées vers les services, perçus comme des métiers peu techniques, qui vont mobilisés des qualités relationnelles (exemple de l’empathie) On a l’idée qu’elles vont puiser ces compétences dans le domaine de la socialisation familiale, avec la production de Stéréotypes.

Du fait d’Attribution culturelle, on assigne les femmes à des tâches et les hommes à d’autres tâches dans toutes les sociétés même si les tâches attribuées sont différentes selon les sociétés.

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Inégalité des chances

C’est une nouvelle lecture des inégalités hommes/femmes.
À chaque génération, on devrait retrouver une distribution des positions sociales entre hommes et femmes qui serait la même que celle de la société (51 % de femmes et 49 % hommes)
On a 2 principes mis en jeu : celui du mérite et celui de la représentativité.
C’est la problématique de l’inégalité des chances qui amène la notion de parité au regard de la société, de la population à laquelle on se réfère.
Le plafond de verre : c’est l’ensemble des barrières artificielles crées par des Préjugés d’ordre comportementaux ou organisationnels qui empêchent des individus qualifiés d’avancer dans leurs organisations.
C’est le résultat d’obstacles invisibles, jamais véritablement énoncés, auxquels les femmes vont se heurter tout au long de leurs carrières par des micro-décisions issues de préjugés.
(Par exemple, les femmes ont moins d’autorité, elles ont moins de goût pour la technique…)
Les arguments avancés pour conduire à ces obstacles vont l’emporter sur les qualités intrinsèques supposées et sur les critères moraux.
Par exemple, les femmes ont eu accès au cours du 20ème siècle à l’enseignement supérieur. Pourtant, l’accès aux postes à responsabilité est toujours une dispute, une discussion.
Pour illustration, en 2007, lors de la primaire en vue l’élection présidentielle, Ségolène Royale a eu du mal à s’imposer dans son parti comme le témoigne les propos de Laurent Fabius qui se demandait qui aller garder les enfants ?
Ce n’est pas le savoir des femmes qui effraie, ce sont les conséquences perçues et supposées sur l’ordre social (notamment la mixité, car c’est autant de postes qui échappent aux hommes, mais aussi cela remet en cause la main mise des hommes sur le pouvoir).

La véritable mixité, l’ouverture à quasiment tous les niveaux, ne date que des années 70.

Par exemple, la mixité scolaire ne date que de la fin des années 60-début des années 70. Les grandes écoles ne deviennent, elles aussi, mixtes qu’entre les années 60 et 70 : école des mines, école des ponts et chaussées, polytechnique ou encore l’ENS.

Le plafond de verre s’intéresse principalement à l’accès aux postes à responsabilité (cadres et surtout cadres supérieurs).
Jacqueline Laufer, qui travaille sur les inégalités hommes/femmes, écrit qu’il faut entendre par plafond de verre l’ensemble des obstacles visibles et invisibles qui séparent les femmes des sommets des hiérarchies professionnelles et organisationnelles.
On est dans un mouvement de mixité, mais cela reste minoritaire au sommet, pour détenir le pouvoir en tant que tel.

Les variables objectives (diplômes, ancienneté) ne permettent pas de rendre compte, de justifier la situation. C’est bien les préjugés qui permettent de comprendre.
D’abord la notion de masculin est neutre.
Cette référence au masculin neutre va s’appuyer sur un modèle valorisé et unique qui est la carrière des hommes en faisant semblant de croire à une universalité et en niant la différence de genres.
Pour atteindre certains postes, il faut que les femmes soient passées par plusieurs domaines professionnels (plus de diplômes, plus d’expérience…), qu’elles mettent entre parenthèses leurs vies personnelles, qu’elles soient plus mobiles géographiquement.
Cela est plus difficile pour les femmes que pour les hommes : elles sacrifient plus facilement leurs carrières (pour leurs maris, pour leurs enfants).
Pour accéder au plus haut poste, il faut pouvoir se donner pour l’entreprise comme rester plus tard, être toujours joignable.
Dans les représentations, les modèles de construction des carrières, il y a occultation des fonctions hommes/femmes qui vont pénaliser les femmes.
L’organisation se réfère à un modèle masculin (disponibilité…), mais tout est mis en place pour ne pas voir que ce modèle n’est pas universel.

L’ensemble des stéréotypes vont se cumuler et faire obstacle aux femmes dans l’entreprise : même si les femmes sont plus diplômées que les hommes, elles passent moins par les grandes écoles que par l’université. Il n’y a donc pas de différence de niveau de diplôme, mais une différence de qualité supposée des diplômes. De plus, elles vont moins souvent dans les filières techniques.
Ces 2 éléments sont des handicaps pour exercer des postes à responsabilités. Dans les postes occupés au vu de leurs formations (qui ne sont pas technique), elles sont plus dans le marketing, dans la communication, aux ressources humaines : elles sont plus sur des postes d’expertise que sur des postes de managers.

De plus, les univers occupés par les femmes sont considérés comme moins prestigieux de par la présence même des femmes.

Plus le savoir-faire est relationnel, plus on considère qu’il est féminin et moins il est valorisé, car il relèverait d’attributs naturels et moins de la technique ou d’un savoir-faire particulier.
Les compétences des femmes seraient donc des attributs féminins et pas des savoirs qu’elles auraient acquis.

Davidson et Burke font une étude qui compte les obstacles systématiquement mobilisés qui amènent à une disqualification des femmes :

  • Image négative des femmes chez les dirigeants qui mettent en doute leurs compétences, leurs disponibilités…
  • Les femmes seraient moins adaptées à la notion de « culture d’entreprise ».
  • La moindre expérience dans la managériale, car elles y ont moins accès.
  • La mobilité est vue comme plus difficile pour les femmes.
  • La différence dans les grilles de salaires hommes/femmes serait la preuve qu’elles sont moins compétentes : renversement de l’argument.
  • Formes de découragement culturel par la non-prise en compte par les entreprises des spécificités des femmes au niveau de leurs vies personnelles hors entreprises (enfants…).

Ces stéréotypes sont universels et les différences d’accès aussi, mais selon les pays, les écarts s’aggravent ou se corrigent peu à peu.
Dans les anciens pays de l’Est comme la Russie, il y a beaucoup plus de femmes médecins, financières, économistes, ingénieurs, mais ces fonctions sont moins valorisées là-bas que dans les pays où les hommes sont majoritaires dans ces mêmes métiers.

Lorsqu’un métier devient plus féminin, il est moins valorisé.

Dans d’autres pays, où il y a une volonté de discrimination positive à l’égard des femmes, l’accès aux postes à responsabilités reste aussi moindre (exemple de notre assemblée malgré la parité).

À la fin des années 80, François de Singly essaie de mesurer le coût du mariage pour les femmes comme le fait de se marier qui signifie le plus souvent mettre fin à sa carrière.
En plus, pour qu’une femme soit mobile, il faut qu’elle déménage, mais il faut aussi qu’elle fasse sacrifier le travail de son mari. Cela semble impensable, mais quand c’est l’homme, cela est beaucoup plus acceptable.

Constatation 1 : les hommes mariés ont un meilleur rendement de leurs diplômes que les hommes célibataires.
Constatation 2 : les femmes célibataires ont un meilleur rendement de leurs diplômes que les femmes mariées.
Constatation 3 : les hommes mariés ont un meilleur rendement de leurs diplômes que les femmes mariées.
Constatation 4 : les hommes célibataires ont un meilleur rendement de leurs diplômes que les femmes célibataires.

De cela on tire un ordre décroissant où les hommes s’en sortent toujours mieux :

  1. hommes mariés
  2. hommes célibataires
  3. femmes célibataires
  4. femmes mariées

À diplôme égal, les femmes accèdent moins au Statut de cadre.
Le mariage est un handicap pour la carrière des femmes, mais il est un élément favorisant celles des hommes (c’est le même cas pour les enfants).
À diplôme égal, une femme mariée avec deux enfants gagne moins qu’une femme célibataire ou qu’un homme avec deux enfants surtout que lui gagnera beaucoup plus.
Catherine Mary parle de  l’escalier inversé : Tous les indices de la réussite professionnelle (voiture de fonction, salaire…) vont augmenter de façon linéaire pour les hommes avec le nombre d’enfants alors qu’ils sont stables ou baissent pour les femmes, dans des situations équivalentes.
Les femmes sont vues comme moins capables, moins compétentes, moins disponibles et les entreprises anticipent avec ces préjugés les places qu’elles offrent aux femmes. Les obstacles sont beaucoup plus importants pour les femmes que pour les hommes. Les contraintes familiales sont aussi un avantage apporté aux hommes alors que c’est une double contrainte pour les femmes. Ce sont plus les représentations que des contraintes objectives.
Pour conclure, avoir une famille c’est bien vu pour un homme, mais pas pour une femme.

La question du déclassement

La notion de déclassement reprend une question classique qui est la question de la mobilité notamment sociale. Nos sociétés modernes sont, à quelques exceptions, des sociétés ouvertes, c’est-à-dire qu’elles se sont construites en opposition aux sociétés traditionnelles qui sont des sociétés d’ordre et de reproduction. Ce sont des sociétés figées, de castes, d’ordre qui distinguaient noblesse, clergé et tiers état. Ce sont des sociétés non ouvertes : on nait dans un monde et on y était consigné. Il n’y avait pas de passage entre les différentes destinées.

Les sociétés démocratiques sont en opposition avec cela, elles sont en théorie des sociétés où la mobilité est possible. Ce sont des sociétés méritocratiques où le travail, le mérite, le talent permettent la mobilité. Mais cela reste un cadre théorique, car, par exemple, les femmes n’ont pas pu concourir aux mêmes places et/ou il y a beaucoup d’entraves pour les étrangers.
En théorie, le milieu social ne doit pas empêcher ou contraindre une mobilité. Quelque soit le milieu social ou géographique, la société devrait offrir les mêmes chances d’accès à telle ou telle place.
Une des questions au cœur de la sociologie a été de mesurer cette mobilité interrogée au regard de deux critères : d’abord en termes de reproduction sociale, de circulation d’individus dans les positions ; le deuxième critère est de mettre en parallèle la structure scolaire et le social. L’école permet-elle d’accéder aux positions sociales ? La démocratisation scolaire permet-elle cela ?
(Voir Bourdieu : la reproduction, « les héritiers ».)
L’école produit, reproduit ou pas les inégalités. 1ère variable : milieu social et 2ème variable : réussite scolaire.
On arrive à la question de l’égalité des chances, de la méritocratie, de la redistribution des positions sociales.
Aucun système scolaire n’est égalitaire. Les enfants d’ouvriers n’ont jamais les mêmes chances. On a des distributions différentes, plus ou moins égalitaires, selon l’origine sociale, selon les pays aussi, mais aucun n’y arrive…
Pour illustrer cela, on regarde la massification du système scolaire. Dans les pays occidentaux, dès le milieu des années 60, le système scolaire va s’unifier : il n’y a plus la même sélection du primaire au lycée. L’accès à l’ensemble du système scolaire va se généraliser, la séparation primaire-secondaire va disparaître. L’accès au bac n’est pas le même selon l’origine sociale d’où la différence entre démocratisation et massification. On parle de massification, car les élèves vont de plus en plus loin et non pas démocratisation, car il n’y a pas autant d’enfants de cadres que d’enfants d’ouvriers dans les filières longues. Nous allons donc mettre en relation l’école et le monde du travail : la hausse des qualifications crée-t-elle une hausse des postes de cadres, c’est-à-dire des positions sociales ?
Dans « l’égalité des chances », Boudon va regarder si la reproduction domine. Grâce aux tables de mobilités, on va regarder d’un point de vue générationnel.

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Évolution de la mobilité sociale

On regarde l’évolution dans les structures sociales.
Dès 1986, les agriculteurs, les artisans et surtout les ouvriers vont être beaucoup moins nombreux tandis que le nombre de cadres, de professions intermédiaires et d’employés est en hausse : ce double phénomène marque le changement de nos sociétés. La tertiarisation fait qu’il y a plus d’employés que d’ouvriers.
Cette société est déjà relativement ouverte dans le sens où elle n’est pas figée structurellement.

Les différentes enquêtes de l’INSEE concernant la mobilité sociale montrent que les individus ayant entre 40 et 59 ans en 2003 sont dans la seconde partie de leurs carrières. Ils sont stables (pas forcément au niveau de l’emploi), mais au niveau de leurs positions sociales. Cette population (40-59 ans) est entrée sur le marché du travail il y a 20 ou 30 ans (milieu des années 70-milieu de années 80, en plein choc pétrolier), à la fin des 30 glorieuses, fin qui fait entrer les pays dans une crise dont on n’est pas sorti, on peut donc dire qu’il s’agit  plutôt d’une entrée dans un système.
En 2003, pour cette classe d’âge, 35 % exercent un métier dans la même CSP que leurs pères. Donc 1/3 n’a pas connu la mobilité sociale, mais 2/3 sont dans une catégorie sociale différente de leurs pères : il y a donc bien mobilité sociale.
En 1977, c’était 57 % qui connaissaient une stabilité, c’est-à-dire dans la même situation que leurs pères.
En 1997, c’était 77 % des hommes tout comme en 2003 : donc la mobilité a augmenté, mais stagne depuis les années 90.
À la fin des années 70, la mobilité devient moindre ou, en tous cas, se stabilise.

On note 2 perspectives concernant la mobilité :

  1. La destinée : approche la plus courante. Le destin professionnel et social en fonction de leurs origines sociales : que deviennent les enfants de cadres, d’ouvriers… Y a-t-il reproduction ou évolution, positive ou négative, de la position sociale ?
  2. L’origine : On s’intéresse ici au recrutement : quelle est l’origine sociale de telle ou telle catégorie professionnelle ? Par exemple : sur 100 cadres aujourd’hui, que faisaient leurs parents ?

L’approche par la destinée est la plus courante comme avec Boudon et sa perspective générationnelle. Il y a eu des évolutions notables : prenons le cas des hommes de 40-59 ans en 1977.
Sur 100 enfants de cadres, 48 deviennent cadres eux aussi.
Sur 100 enfants d’employés, 17 les sont aussi.
Sur 100 enfants de professions intermédiaires, 35 les sont aussi.
Si on compare 1977 et 2003, pour les classes populaires (ouvriers et employés), on constate que les opportunités en 1977 sont moindres : en 1977, 60 % des ouvriers avaient un père ouvrier alors qu’en 2003 seulement 46 % des ouvriers avaient un père ouvrier.
Les chances de devenir cadres sont deux fois plus élevées : en 1977, les enfants de cadres avaient 4 % de chance de devenir cadres alors qu’ils ont en 2003 10 % de chance de le devenir.
À peu près le même constat pour les employés.

Sur 30 ans, il y a une ouverture de la société française permettant aux enfants de classes populaires d’accéder aux classes intermédiaires (professions intermédiaires, cadres).
La situation évolue : les chances d’accéder au statut cadre augmentent aussi pour les professions intermédiaires entre 1977 et 2003.
Les risques de chute sociale diminuent pour les professions intermédiaires.
Double mouvement : les chances en termes de destinées des classes populaires d’aller aux professions intermédiaires augmentent et ces derniers ont eux aussi plus de chance d’être cadres.
Et les enfants de cadres sont souvent cadres : peu de risque, ou en tous cas, de déclassement sur toute la période.
Plus de la moitié des hommes de 40-59 ans occupent une autre place que leurs pères, mais ils n’atteignent pas tous la même position sociale.
Un enfant de cadre a 8 chances sur 10 d’occuper une place supérieure ou égale à celle d’un enfant d’ouvrier.
Un enfant d’ouvrier a 2 chances sur 10 d’occuper une place supérieure ou égale à celle d’un enfant d’ouvrier.
La probabilité de s’élever dans la hiérarchie est réelle, mais les cartes sont distribuées différemment et les enfants de cadres ont toujours plus de chance.
Les portes ne sont pas fermées pour les enfants d’ouvriers, mais ils partent avec un handicap qu’ils gardent tout au long de leurs parcours.

L’ouverture de la société ne veut pas dire égalité des chances.

Les écarts entre 1977 et 2003 vont augmenter : les enfants de cadres vont renforcer leurs positions.
Plus la société se démocratise et plus les obstacles sont difficiles à franchir.

En termes d’origine, on constate un renforcement des logiques de reproduction.
Entre 1977 et 2003, l’origine des employés et ouvriers est relativement stable : ils proviennent des mêmes catégories sociales (un peu plus de la moitié des employés et ouvriers avait un père ouvrier ou employé).
Les employés et ouvriers d’aujourd’hui n’ont que très rarement un père-cadre ou profession intermédiaire.
La catégorie employée et ouvrier puisent peu dans la catégorie cadre et profession intermédiaire, mais davantage dans le milieu populaire. En effet, l’essentiel des employés maintenant est issu des milieux populaires. Les milieux populaires ont une moindre mobilité et s’autoalimentent.

On n’est pas dans un modèle de pure reproduction, mais pas non plus dans un modèle égalitaire, car seulement 10 % d’enfants d’ouvriers et employés deviennent cadres ou professions intermédiaires.
Sur 100 cadres maintenant, d’où viennent-ils ?
En 1953, 25 cadres sur 100 étaient eux-mêmes fils de cadres.
39 % des cadres en 1953 avaient un père ouvrier ou contremaitre.
La part de l’autorecrutement va baisser de 3 points entre 1965 et 1970 passant de 25 % à 22 % : donc légère ouverture de la catégorie des cadres.
Entre 1970 et 1985, la part d’autorecrutement va augmenter : c’est la panne de l’ascenseur social et la compétition devient de plus en plus importante.
En 1953, les enfants de cadres avaient 1053 fois plus de chance d’être cadres que les enfants d’ouvriers.
En 2003, ils avaient 16 fois plus de chance : donc on note une ouverture, mais pas d’égalité même si les écarts d’opportunité ne sont plus du tout les mêmes.

Ces écarts d’opportunités sont plus grands pour les femmes même s’ils s’améliorent aussi.

Lien diplôme-emploi : une génération sacrifiée ?

La question du déclassement va mettre en avant un paradoxe :
Au début des années 60, la société change, avec la mise en perspective pour les sociétés démocratiques de devenir ouvertes, c’est-à-dire avec une prétention à de la mobilité entre les différentes générations  et pas ou très peu de destinée sociale.
Cette évolution en termes d’accès à l’école, d’accès au bac, ou encore en termes de probabilité d’accéder aux classes moyennes quand on est de la classe populaire.

Baudelot et Establet dans « avoir 30 ans », prennent 2 générations à 2 périodes différentes : à 30 ans d’intervalle avec des personnes qui ont 30 ans entre 1968 et 1998. Il s’intéresse au monde scolaire et à l’insertion professionnelle : ils s’interrogent sur les perspectives de ces trentenaires qui commencent à s’installer sur le marché du travail.
Les auteurs notent un décrochage entre école et emploi : 2 courses qui vont quasiment dans le sens inverse (hausse du niveau de scolarisation malgré les inégalités, mais aussi hausse de la difficulté à trouver un emploi).
La société française a changé sur cette période (68/98) : la part des individus des milieux populaires ayant 30 ans en 98 est moins nombreuse qu’en 68.
Cadres moyens hommes : 17 % en 68 et 25 % en 98.
Cadres moyens femmes : 21 % en 68 et 25 % en 98.
On constate une évolution plutôt vers le haut et due en partie à la scolarisation.

Dans la classe populaire, les hommes deviennent souvent plus ouvriers qualifiés alors que les femmes deviennent le plus souvent employées.
Leur fil rouge part du constat qu’on va avoir des effets générationnels avec une génération qui va garder et s’accaparer toutes les richesses.

Si on croit au capital humain : les nouvelles générations sont plus formées en 98 et plus aiguisées au regard des technologies (exemple de l’informatique). Si la thèse du capital humain était bonne, cette génération aurait dû avoir des bonus.
Les auteurs développent la notion de gérontoclassie : la génération de 1968 sur le marché du travail avant les années 70 (choc pétrolier, hausse du chômage, hausse du travail atypique comme à temps partiel, en CDD, en intérim…). La première génération est donc rentrée sur le marché du travail pendant les 30 glorieuses alors que la seconde génération n’a pas de pouvoir : baisse les papys boomers qui sortent maintenant du marché du travail.
Cette classe d’âge va monopoliser les fonctions de pouvoir et de richesse. De plus, on note une diminution du salaire horaire pour les 30 ans de 98 par rapport aux 30 ans de 68.

Le  monde du travail va cesser de valoriser et de promouvoir les jeunes générations et d’un autre côté, on constate un investissement dans le système scolaire par une croyance en ce système. Cela va créer une rupture entre valeur de la sphère publique (repousser et démoraliser l’univers de la jeunesse) et de la sphère privée (valorisation, encouragement des familles à l’égard de leurs enfants).
Un conflit de valeur se manifeste. Il est d’autant plus grand que notre regard et nos attentes par rapport à l’école sont importants.
Pour Baudelot et Establet, l’école a répondu aux attentes d’aller plus loin au niveau des diplômes, mais se pose la question de la surqualification.
S’il y a un nombre trop grand de qualifié, c’est problématique pour les non qualifiés. L’école laisse encore trop de personnes sans qualifications au regard du nombre d’emplois accessibles  à ces personnes  non qualifiées.
L’accès au statut de cadre devient plus difficile entre 70 et 98 toutes catégories confondues, mais cela est beaucoup plus dur pour ceux qui ont moins de diplômes. En 1970, les fils d’ouvriers ayant le bac sont 61 % à décrocher un poste de cadre alors qu’ils ne sont que 27 % en 1998. Pour les filles d’ouvriers ayant le bac, 20 % décrochent un emploi de cadre en 70 contre seulement 12 % en 1998. Le fait d’être une fille et l’origine sociale joue donc.

Les obstacles sont plus durs maintenant qu’avant, davantage pour les fils d’ouvriers que pour ceux des cadres et plus durs pour les filles que pour les garçons. Les perdants du système ont donc plus accès au statut d’employé, d’ouvrier ou de chômeur.
Les enfants de cadres s’en sortent mieux, mais échappent moins au déclassement général qu’avant.

Le niveau de qualification augmente, mais la rentabilité du diplôme baisse.

Ce cercle vicieux perdure : investir plus dans la scolarité pour atteindre le même niveau d’emploi que les générations antérieures (qui elles pouvaient y entrer avec moins de qualifications).
On va plus loin dans la scolarité avec plus d’incertitudes.

Il n’y a pas de marge de jeu bonne ou mauvaise puisqu’il n’y a pas d’autres choix. Baudelot et Establet

On note un rendement décroissant des efforts individuels et collectifs : investir plus pour avoir moins.
En 69, les hommes licenciés sont cadres supérieurs dans 81 % des cas alors qu’en 98, ils ne le sont que pour 67 % d’entre  eux : les opportunités sont donc moins fortes 30 ans après.
En 69, sur 100 cadres supérieurs, 57 ont une licence alors qu’ils sont 75 en 98.
Pour les femmes, c’est du même ordre de grandeur, mais encore plus dur : en 69, 71 % des femmes licenciées sont cadres supérieures alors qu’en 98 elles ne sont que 49 %.
Sur 100 femmes cadres supérieures, 62 ont une licence en 1969 alors qu’elles sont 80 en 1998.

Pour Louis Chauvel, « Les 30 glorieuses se prolongeraient pour les anciens et les jeunes seraient eux en pause voir en déclin ».
Avant, les jeunes générations allaient mieux que celle de leurs parents alors que maintenant, les jeunes générations ont plus de difficultés que leurs parents et on se dit que celle de nos enfants sera encore plus difficile.
Avant, l’indépendance financière était réalisée grâce aux premiers salaires alors que maintenant, avec les emplois précaires, les jeunes restent plus longtemps chez leurs parents d’où un prolongement de la jeunesse, car il est plus difficile  d’être autonome.
L’accès aux postes irrigue l’ensemble de la société : le travail est au cœur des questions et cela va générer  des transformations au sein de la société. Pour l’essentiel, le destin d’une génération se joue avant l’âge de 30 ans : une fois cette génération rentrée dans le monde du travail, « les cartes sont redistribuées » selon Chauvel.

On a l’idée d’une génération sacrifiée : les 30 ans de 98 ne rattraperont surement pas le retard dû aux obstacles rencontrés.

Marie Duru-Bellat et François Dubet étudient le lien diplôme-emploi.
Le lien reste important néanmoins il est beaucoup plus fragile qu’avant : le diplôme protège du chômage, mais ce lien se fragilise et le niveau de diplôme ne garantit plus l’accès à certains postes.
Les emplois qualifiés ont moins augmenté que le nombre de personnes qualifiées : Le monde du travail et le monde de l’école doivent-ils s’ajuster ?
Les microphénomènes jouent beaucoup dans la distance diplôme-emploi : les différences de valeur entre diplômes vont créer de grandes différences sur le marché de l’emploi (exemple des grandes écoles avec diplôme bac+5 plus valorisées que universités avec bac+5).

Plus ce lien diplôme-emploi se distance et plus le poids de l’origine sociale va peser sur l’orientation et le marché de l’emploi.
Plus la compétition est dure et le lien aléatoire et moins la société devient démocratique.

Cela conduit à une logique d’effets pervers : l’augmentation du niveau de qualification est nécessaire, mais il fait baisser la valeur du diplôme donc il fait perdre, au final, beaucoup d’illusions après beaucoup d’efforts.

Conclusion

Le travail est un terrain d’observation, mais qui n’apparait plus comme central, car il ne serait plus un enjeu. Souvent, il va devenir un terrain d’expérimentation de certaines différences comme les inégalités hommes/femmes par exemple.

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